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Interview Francis ROSSI 13 Octobre 2007 au RADIANT à CALUIRE
Comment avez-vous choisi le nom de votre groupe ?
On ne l'a pas vraiment choisi. Avec notre manager, on a d'abord opté pour
'les Spectres', on était très jeune, on devait avoir 13 ou 14 ans...Puis on a
pensé qu'il fallait changer de nom, peut-être pour attirer l'attention sur
nous, donc notre manager a dit que l'on pourrait s'appeler 'The Queers' (les
homosexuels) - non - alors peut-être les 'Mohammad Ali’s' et puis il a
dit pourquoi pas Traffic ? On était d'accord...mais une semaine après, Steve
Winwood est devenu 'Traffic', alors on est devenu 'Traffic Jam', ce qui était
affreux ! Un peu plus tard, pendant qu'on répétait au sous-sol, on a décidé
que l'on devait vraiment changer de nom alors notre manager a dit - pendant
que l'on continuait à répéter - un autre nom puis il a dit Quo Vadis - non -
puis Status Quo. On lui a juste répondu d'un signe de la main qui voulait
dire d'accord, mais on ne savait pas, bien sûr, ce que signifiait Status Quo.
Cela aurait été super de dire que l'on avait réalisé ce que cela voulait dire
- alors qu'on était si jeune - et de toute façon on n'allait pas changer
notre musique. Pour nous c'était 'juste un nom' qui 'sonnait bien' et on l'a
gardé. On a été très chanceux qu'il ne change pas - la signification de
Status Quo était là...cela aurait été bien de dire que l'on connaissait la
signification du mot - mais on ne la connaissait pas - Status Quo sonnait
bien à l'époque !
Peux-tu présenter Status Quo en 3 mots ?
Non ! ha ha ha...Présenter Status Quo en 3 mots...Dynamique, fort, rock...plaisir. (Francis regarde sa main et compte sur ses doigts)... oh non...ça fait quatre. Il faudra en jeter un...
A ton avis qu'est-ce qui fait le succès d'un groupe ?
N'importe quel groupe ? Oui. On peut penser que c'est la bonne musique,
les bons morceaux...mais 'bon' signifie quelque chose de différent pour
chacun d'entre nous...Il peut penser que c'est bon ou nous pouvons penser que
c'est bon...c'est beaucoup de détermination, et pour beaucoup aussi les trucs
qui sont ancrés dans nos têtes... Je suis sûr que quand j'étais très jeune je
pensais juste au futur...et je crois que ça marche...mais qu'est-ce qui fait
un bon groupe...Je ne sais pas ce qui fait un bon groupe...Le public fait un
bon groupe..sans public n'importe quel groupe n'est rien. C'est assez étrange
d'ailleurs que des gens comme moi aient besoin de monter sur scène pour se
retrouver face au public et dire 'regardez-moi' '...Pourquoi fait-on ça ? Il
y a quelque chose qui ne colle pas dans le show-biz ou le cinéma...parce que
normalement je suis assez timide...Je pense toujours à Elton John et Brian
May...ils sont également assez timides...Je trouve que c'est étrange que l'on
puisse tous monter sur scène et faire notre show alors qu'on est assez
timide...il y a une contradiction dans tout ça...mais pour répondre à la
question, qu'est-ce qui fait un bon groupe ? Et bien je pense que c'est le
public...Quand vous débutez, vous voulez être aimé...alors vous faites
grandir, évoluer tout cela...vous vous construisez, c'est ce qui fait ce que
vous devenez...Si vous ne faites rien évoluer et que vous n'êtes pas
aimé...et bien...le groupe deviendra...pff...et je pense que cela apporte
également une certaine confiance au groupe qui doit acquérir un équilibre
entre la confiance et la grosse tête...Dans cette industrie les gens vous
disent toujours..'super spectacle', 'super concert', 'je vous aime', 'j'aime
votre musique', 'j'aime vos disques'. Les gens qui ne nous aiment pas ne
viennent pas nous voir. C'est la même chose pour n'importe quel
groupe...personne ne vient vous dire 'au fait je ne vous aime vraiment pas',
'je n'ai jamais acheté vos disques', 'je pense que vous êtes nuls'. Les gens
qui pensent cela ne se sont jamais présentés à nous. Pourquoi je parle tant ?
Parce que je suis un vrai moulin à paroles !
En tant que guitariste leader de Status Quo tu as fait plus de 6 000 concerts, joué devant plus de 25 millions de personnes, parcouru plus de 6 millions de kilomètres et vécu de nombreuses années loin de ta famille...Alors, après 42 ans de carrière penses-tu être toujours en contact avec la vraie vie ou te prends-tu pour un vrai Dieu du rock ?
Haaaaa...Non à la dernière partie de la phrase...Nous avons souvent
débattu de ce sujet...est-ce la vraie vie ?...Nous avons souvent dit ce n'est
pas la vraie vie...mais c'est pourtant notre vie, notre travail. Je suis sûr
que beaucoup de personnes disent qu'ils aimeraient bien être musiciens, faire
des concerts parce que c'est facile et que ce n'est pas un travail... mais
c'est d'une certaine façon une mise à l'épreuve...Si tu me disais que nous
n'avions pas à faire ce concert ce soir...nous dirions super...mais une fois
dans le bus, 30 minutes plus tard nous dirions : 'on aurait bien aimé joué ce
soir'...et cela arrive souvent. La plupart du temps je me réveille en
pensant, oh non, je ne peux plus faire ce métier...je ne peux plus le
faire..mais au fil des heures, ho là, là...je sens cette joie monter en moi,
vouloir remonter sur scène...vous avez un sentiment de liberté quand le
concert est fini...et puis quand vous vous levez le lendemain matin vous
pensez oh non encore un concert à faire... Depuis l'âge de 18 ans j'ai ce
même sentiment...c'est très étrange. Ce serait bien si je pouvais répondre
pourquoi, mais je ne le peux pas...
Est-ce difficile de vivre loin de sa famille ?
Eh bien, je devrais dire oui, mais j'ai commencé les tournées à l'âge de
16 ans alors je ne sais pas vivre autrement. Je suis souvent triste quand je
pense que je n'étais pas là pour voir grandir mes enfants, mais quand je ne
suis pas en tournée je suis chez moi. L'année dernière nous avons arrêté de
travailler le 21 décembre et nous avons repris en mai ou juin. Tout ce temps
j'étais chez moi. Je ne partais pas, je n'allais pas au pub, je n'allais pas
aux matchs de foot ou de rugby, je n'allais pas à Brighton pour rejoindre mes
copains au pub...Je restais à la maison. Mes enfants savent que si je suis à
la maison, je suis à la maison. Quand ils se lèvent le matin, je suis là,
quand ils reviennent de l'école, je suis là...Oh papa est encore là...Ils
savent que je suis à la maison pendant longtemps, donc je pense que
l'équilibre familial est conservé. D'ailleurs, il n'y a pas que les gens qui
travaillent dans notre milieu qui ne sont jamais chez eux, j'imagine que
certains routiers et ceux qui travaillent dans l'armée ne sont également
jamais chez eux. Mais je suppose qu'on peut penser que ce n'est pas la
meilleure façon de faire...mais cela ne veut pas dire qu'on doit être élevé
d'une certaine façon. Les gouvernements successifs ont essayé de nous montrer
la famille idéale...Mais il n'y a pas de famille idéale...mais ils essaient
toujours de nous le dire...Si l'on remonte 40 ou 50 ans en arrière il y avait
8 à 10 enfants par famille...C'était la pagaille, vallait mieux pas y mettre
les pieds...
As-tu des passe-temps en dehors de la musique ?
Non, pas vraiment...Je fais du tir avec un calibre 12, mais je ne tue pas
des animaux...Je peux tuer des êtres humains mais pas des animaux !..Je fais
aussi du ball-trap mais je n'y vais pas souvent. J'aime rentrer chez moi et y
rester. Je suis si souvent absent...Ma femme et mes enfants partent en
vacances, mais moi non, je reste à la maison parce que pour moi prendre
l'avion, vivre à l'hôtel...ce n'est pas des vacances...Je suis désolé...
AM : J'ai lu que tu collectionnais des carpes Koï
Oui, mais j'ai arrêté il y a quelque temps déjà. J'avais un bassin rempli
de très beaux poissons et puis un jour un des poissons est tombé malade car
le dispositif de filtres pour l'oxygène s'est détraqué, bien sûr les poissons
ont commencé à remonter à la surface et ma fille s'est mise à pleurer..Alors
j'ai décidé de vendre mes carpes Koï à quelqu'un qui en prend soin
maintenant.
AM : Tu as fait du tir aux pigeons d'argile ?
Oui, j'aimerais bien en refaire. Dans l'ensemble J'aime bien tirer, je ne suis pas un accro mais j'en ai fait quelquefois. Mais pour être franc je suis assez routinier, j'aime bien rester chez moi. Le soir je joue de la guitare, le matin je vais à la gym à 10h, je reviens à 11h et je déjeune et puis je reste au studio jusqu'à 18h ou 19h...Je vais promener le chien...
Parle-nous de ton dernier album (le 33ème)
Il s'appelle 'In Search of the Fourth Chord' (à la recherche du 4ème
accord). En général, la plupart des gens voient ce titre d'album comme une
plaisanterie parce qu'ils pensent que nos morceaux n'ont souvent que trois
accords....Beaucoup de nos titres ont trois accords mais certains en ont
quatre ou cinq...Le choix du nom de cet album s'est fait dans le but que
quiconque écoutait ''In Search of the Fourth Chord' se disait 'ce ne peut
être que Status Quo'. Impossible que ce soit les Pink Floyd, les Stones ou
n'importe quel autre groupe...Personne d'autre ne se moquerait de soi-même de
cette façon...Quand quelqu'un m'a demandé ce que je pensais du 4ème accord,
j'ai souri et je me suis dit que c'était très bon. Nous sommes conscients que
l'industrie du disque est devenu un gros business, c'est plus difficile de
s'en sortir à l'heure actuelle, parce qu'il y a plus de concurrence et une
foule de choses qui attire l'attention des gens, c'est pour cela que je me
prostitue pour Satus Quo depuis l'âge de 12 ans.
AM : Quel accord préfères-tu jouer ?
Celui-ci (Francis lève la main gauche et mime un accord)
AM : Quel thème préfères-tu aborder dans tes chansons ?
Je ne sais pas...Je n'aime pas vraiment aborder les sujets politiques...Je pense que la plupart des gens savent que si on leur dit 'votre vie est merdique' 'vous n'êtes pas assez rémunérés, on vous spolie, le système est pourri...Ils le savent déjà au fond d'eux-mêmes, ils savent tout ça...alors si vous montez sur scène pour le chanter ils diront 'on le sait, on le sait'...Nous, on aime embarquer le public pendant 2 heures... Le rock'n'roll est de la fantaisie, toute l'industrie du spectacle est basée sur l'imaginaire et la fantaisie...Ce n'est pas la réalité et je pense que c'est bien...dans la vie, chacun de nous a besoin de s'accorder un moment de répit.
Qu'est-ce que tu apprécies le plus : jouer dans un grand stade devant des milliers de personnes ou jouer dans des plus petites salles comme ce soir au Radiant ?
Je n'aime ni l'un ni l'autre. J'aime bien les lieux qui ne sont ni trop grands ni trop petits. Ce soir c'est pas trop mal, mais ce sera chaud, ça va être du boulot...Quand vous êtes face à une foule de plus de 20 000 personnes cela devient...pff...Dans des lieux comme ce soir où il y a 2 000 personnes, on va sans doute faire un meilleur concert que si on avait été devant 20 000 personnes, c'est comme ça...Je préfère jouer devant 7 à 12 000 personnes car on peut voir les gens alors que quand vous êtes devant 20, 30 ou 40 000 personnes cela devient cette immense chose...et on perd le contact avec les gens. Je suis persuadé que c'est super pour les affaires et pour l'ego, mais avec un concert à si grande échelle on n'a pas de contact avec le public et ce qu'on aime avec Status Quo c'est avoir ce contact, un contact visuel car j'adore voir les gens, ce qu'ils font. Je pense que ce qui fait que Status Quo marche bien c'est qu'en étant proche du public on fait passer quelque chose et le public nous renvoie quelque chose et il y a une sorte d'énergie qui se développe au milieu de la scène, le public et nous-mêmes jouons avec cette balle, cette énergie...'hou la, la' comme ils sont enthousiastes !
Peux-tu nous parler de votre tournée française ?
Il y a des années on tournait en France car nous aimions beaucoup ce pays.
Les salles de concerts n'étaient pas très bonnes et il n'était pas évident
d'être nourri...Français...vous ne pouvez pas manger ici...et si on venait
d'Allemagne c'était parfait mais l'inverse n'était pas facile et demandait
beaucoup de travail. Puis soudainement tout s'est arrêté...Il y a 4 ans j'ai
lu un article dans un magazine de musique en Angleterre, écrit par un gars
charmant qui avait été promoteur. Il
parlait de Status Quo et du premier groupe dont il s'était occupé et disait
qu'il avait reçu une lettre d'un de nos managers lui disant qu'il n'avait
plus besoin de lui..C'est comme ça que les tournées se sont arrêtées pour
nous et on aurait tendance peut-être à penser que nous étions devenus
impopulaires, c'est compréhensible mais ce n'était pas le cas...et puis nous
avons dit allez retournons en France...Alors nous sommes revenus en France et
même Rick qui normalement s'en fiche a dit 'j'aime la France, J'aime être là,
nous aimons tous être là, la France est un pays merveilleux...c'est la
vérité. On a essayé de revenir ici pendant si longtemps...Il y a quelque
chose de vraiment super à propos du public français, que beaucoup de publics
dans le monde ne font pas...il écoute ! La plupart des personnes viennent au
concert et boivent beaucoup...et on peut voir ces gens tituber...et si vous
leur demandez : vous avez vu Status Quo hier soir ? 'ils diront heu, je
pense'...tandis qu'un Français achetera sa place et ne sera pas bourré au
point de ne plus savoir ce qu'il fait...donc on a conscience que le public
français est là pour nous regarder et nous écouter...et ça..et bien cela nous
pousse à nous accrocher...à faire attention...il faut que notre jeu soit
parfait...Pour nous, jouer devant les Français, c'est top...La semaine
prochaine nous serons en Allemagne et puis en Angleterre. On fait le même
genre de concerts en Angleterre depuis 25 ans...Ce qui est aussi vraiment
super en France c'est qu'il y a plein de salles, une ici, une là, une autre
là...c'est donc formidable de venir en France pour faire une tournée. Le
Radiant n'est pas une des meilleures salles mais dans la plupart des salles
où nous sommes allés cette dernière quinzaine, avaient des douches pour tout
le monde, des toilettes propres et qui fonctionnaient...En Angleterre...
(Francis mimant...) les toilettes sont un peu sales...Quand on fait une
tournée, toutes ces choses sont importantes pour nous. Quand Andrew est
arrivé il a dit, c'est comment aujourd'hui ?...ah il n'y a pas de
fenêtres...on a été gâté en France et nous voudrions revenir l'été prochain,
et en automne également...c'est du moins ce que nous essayons de faire. Je me
rappelle quand je me suis réveillé à Caen et que j'ai regardé par la fenêtre
c'était beau...C'était très français...et tout sentait la France. Je me suis
dit 'ça va être super bien'. Tous les soirs on doit travailler, se
concentrer... parce que le public français nous regarde et j'adore
ça...Andrew m'a dit tout à l'heure 'nous sommes gâtés, nous sommes en
France'...C'est comme si on avait ouvert la boîte de Pandore et maintenant
que faisons nous...on doit y aller et jouer, oh là, là..