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Interview JACK BON 2 Juin 2007
Peux-tu nous parler de ton parcours depuis Ganafoul qui signifie « comme un fou », jusqu'à aujourd'hui avec ce nouvel album ?
Ganafoul, c'est mon école primaire, mon collège, mon lycée. On a commencé en 74 et on a arrêté en 82-83. On a fait plein de trucs à cette époque-là... Après, c'est la vie que tout musicien peut avoir, avec des hauts et des bas et des moments où il y a un peu des problèmes de survie économique, donc, j'ai travaillé dans d'autres domaines que la musique, surtout la technique dans le spectacle, beaucoup dans le théâtre, j'ai déchargé des camions, j'ai fait plein de choses, j'ai travaillé en intérim à une époque où j'étais coincé... Il y en a qui sont prêtres ouvriers, moi, j'ai été musicien ouvrier pendant un moment ! L'important, c'est toujours d'avoir des projets, de jouer avec de nouveaux musiciens qui nous apportent des trucs. C'est vrai que j'ai failli, à un moment, tout abandonner pour acheter un stand, un camion de merguez et faire ça sur les marchés, parce qu' à un moment, j'ai été vraiment déçu...Tous les projets que je faisais pour refaire un disque, les démarches auprès des maisons de disques qui avaient à l'époque le monopole sur les artistes (ce qu'ils n'ont plus aujourd'hui avec Internet et avec la chute des ventes de CD), je me suis retrouvé dans une impasse. J'ai voulu arrêter il y a de ça une dizaine d'années et puis après, n'ayant jamais vraiment considéré la musique comme un métier mais plutôt comme un plaisir, une passion, je me suis remis à jouer de la guitare ; pour moi jouer devant 10, 100 ou des milliers de personnes c'était la même chose. Donc c'est ça qui me permet de continuer je pense...
Peux-tu nous en dire un peu plus sur ta casquette légendaire que tu portes toujours ?
Ah ça, c'est un objet qui
appartenait à quelqu'un qui m'était cher ! Donc, la
première fois que je l'ai mise pour jouer, j'avais un peu
l'impression d'être accompagné.
Alors, c'est devenu un peu mon mojo, comme on dit dans le Blues...
C'est une casquette de marin ?
Oui, oui qui date du temps où
j'étais pêcheur de moules !
Est-ce que tu te considères comme un représentant francisé ou européanisé des légendaires bluesmen du Delta comme Robert Johnson, Bo Didley, Muddy Waters ?
Non, j'ai pas du tout cette prétention là et puis tous les gens que tu viens de citer représentent une époque, une culture qui est aujourd'hui en voie de disparition ; les derniers bluesmen qui ont 80-90 ans vont disparaître : c'est toute une tradition qui à l'époque était orale et qui va disparaître avec eux mais qui reste heureusement avec les nombreux CD. Moi, quand je reprends ces morceaux, je ne suis pas dans un trip américain à la Johnny avec ses Harleys, je ne suis pas du tout là-dedans, c'est parce que j'aime beaucoup les chansons, je trouve que dans les années 20, jusqu'aux années 50, les bluesmen faisaient de très bonnes chansons et ils avaient surtout beaucoup de personnalité, la personnalité des artistes était prédominante... Les mêmes trois accords, les mêmes lyrics donnaient un climat différent suivant l'artiste qui le chantait. C'était beaucoup moins stéréotypé que maintenant, la personnalité des musiciens était plus importante. C'est ce qui m'attire dans ces chansons et dans les artistes de cette époque.
On a découvert avec plaisir que tu reprenais des morceaux du regretté Rory Gallagher, tu penses en interprêter d'autres ?
Si j'y arrive, c'est un exercice ardu !... Oui, Rory Gallagher, j'ai dû le voir dans les années 72-73-74 à la Bourse du Travail plusieurs fois. C'est un peu comme le premier concert de blues que j'ai vu, c'était Freddy King et j'avais trouvé dans ces moments-là de concert, ce qui me correspondait bien, c'est-à-dire que ce sont des gens qui montrent au public qu'ils ont vraiment un plaisir de donner quelque chose, de jouer, de partager et puis aussi le côté très dynamique de l'affaire, le boogie à la base de tout, comme un battement du coeur... c'est quelque chose d'assez vital, je marche à ça !
Sur ton dernier album qui s'appelle « Live and Acoustic » comment as-tu choisi les morceaux ?
Tous ces morceaux sont des vieux titres qui font partie du répertoire folklorique noir américain. Ce sont des choses qui me sont venues quand je me suis vraiment mis à étudier un peu plus en profondeur, autant à lire qu'à écouter, l'histoire du blues, puisque j'ai monté un projet, une conférence musicale sur le blues où je raconte l'histoire de cette musique. Donc, pour illustrer ce que je racontais ou ce que j'essayais de raconter, j'ai appris à jouer des vieux morceaux, chose que je ne faisais pas puisque à la base je suis quand même un guitariste électrique.
Peux-tu nous parler de tes différentes facettes (Jack bon Electric Combo, Jack Bon Solo, Conférence « Blues Boom » et Atelier Blues Guitare) ?
Il y a même, cette année une autre facette, je suis correspondant de presse pour le festival du Blues du Creusot. C'est moi qui rédige les articles, soit pour les plaquettes, soit pour les bios, pour les donner aux journalistes. Je fais l'attaché de presse. Je ne peux faire des choses qu'autour de ce que je connais, ce milieu du blues ce qui m'intéresse et pour ne pas stagner j'ai décidé dans mon intérêt personnel d'apprendre d'autres choses, de m'ouvrir à dautres choses, c'est pour cela que j'ai cherché dans l'histoire du blues, j'ai monté cette histoire de conférence. Mon côté Dr Jekyll and Mr Hyde, un coup c'est électrique, un coup c'est acoustique c'est la pratique de la guitare, tout ça m'intéresse, j'essaie de faire avec le peu que j'ai entre les doigts.
As-tu d'autres projets en tête ?
J'ai commencé à faire ces conférences pour un public adulte dans les médiathèques, puis j'ai commencé à les faire dans les écoles pour les enfants en CM1-CM2, dans des collèges, dans des lycées et j'aimerais bien encore refaire des choses comme ça parce que j'y trouve un intérêt nouveau et c'est chaque fois différent : toutes les fois, c'est un nouveau challenge suivant la tranche d'âge ou même suivant le lycée ou le collège où je vais parler du blues et le jouer. Il faut sentir quel public on a en face de soit, c'est pas évident d'intéresser des ados de 16-17 ans à une musique qu'ils n'écoutent pas du tout, il faut leur montrer l'attrait que cela peut avoir, surtout à travers l'histoire, autant de la musique, que de l'aventure humaine des noirs américains.
Est-ce difficile d'allier la vie privée, la vie d'artiste, de musicien, est-ce dur de tout combiner ?
Il faudrait avoir un agenda bien rempli, être très organisé, ce que je ne suis pas vraiment à la base, mais j'essaie de l'être. Chaque temps est pour une activité différente, ou c'est familial ou c'est la musique, mais dans ma famille, tout le monde est musicien, alors cela ne pose pas trop de problème à ce niveau-là !
Quelles sont tes passions à part bien sûr la musique ?
J'aime beaucoup bricoler, je ne bricole pas bien mais j'aime beaucoup bricoler, ça m'occupe la tête et les doigts. Je trouve que cela apprend la patience, cela apprend à réfléchir, ce qui me manquait un peu...J'étais un peu un jeune homme écervelé...
As-tu des contacts avec des musiciens anglais ou américains ?
C'est en jouant que l'on rencontre d'autres musiciens. J'ai rencontré et joué plusieurs fois avec Neal Black qui est un texan installé en France. On a joué en duo plusieurs fois, je pense que je vais le revoir à Cahors... Et puis j'ai rencontré et joué deux fois avec un gars que j'aime beaucoup qui s'appelle Gwyn Ashton.On a fait une fois un boeuf électrique et une fois un boeuf acoustique. Chaque fois que l'on rencontre des gens, c'est bien de jouer avec eux, c'est stimulant, on rigole, on passe un bon moment...