Roberto PIAZZA
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Interview Little Bob 22 Septembre 2007
au Festival "Les Grosses Guitares" VAUGNERAY (69)

(c) Copyright Ten Years After
  1. Peux-tu nous faire un résumé de l'histoire de Little Bob Story ?

    (c) Alain DISTER 1.1) Hou la la ! Il nous faut 3 semaines, tu imagines cela fait 32 ans ! Avant Little Bob Story j'ai eu plein de groupes amateurs, puis j'ai créé mon premier groupe professionnel. La Story c'était un peu la sortie de l'adolescence, la pêche, la folie - J'étais déjà fan de blues à l'époque - mais en même temps la haute énergie du rock'n'roll, des groupes comme MC5, nous touchait en plein. Donc on est parti là-dedans en diminuant les solos de moitié, on a raccourci les solos de guitares et on a joué un truc que l'on peut appeler rock'n'roll, rhythm and blues avec un premier album qui sort en 1976 (High Time). Après la Story a continué avec le même élan : plus de 300 concerts en Angleterre pendant 4 ans jusqu'en 80. Mais le fait qu'on ait tellement tourné, et quand on tourne comme on le faisait, sans repos, en étant tout le temps ensemble, tôt ou tard il y a un truc qui clashe, c'est dommage... mais on n'avait pas les moyens de s'arrêter de tourner et de se dire : "on se repose 6 mois et après on se revoit" et le groupe restera le même...

    1.2) On n'avait pas les moyens, il fallait qu'on tourne pour survivre donc on est arrivé à un point de rupture et il a fallu qu'on change le batteur, le clavier, ensuite malheureusement le guitariste Guy-Georges Gremy (lui et moi on était les deux figures de proue du groupe) ça m'a fait mal de me séparer de lui... mais sinon je (c) Rock-Inteviews.com perdais tout le groupe et il fallait que je recommence tout. Je ne sais pas si cela n'aurait pas valu le coup à ce moment-là ... avec le recul... Il y avait trop d'alcool, de dope, on ne fumait même pas c'était surtout de la dope dure ou le speed quand on n'avait pas les moyens... donc la première Story a volé en éclat, j'ai refait un groupe qui était un peu intermédiaire pour l'album Light of my Town (1980) avec pour la première fois un pianiste dans le groupe et un guitariste et un batteur qui venaient de Paris ; ce n'était plus le groupe du Havre, il n'y avait plus que Barbe Noire et moi ; cela a duré un an le temps de l'album Light of my Town puis j'ai tout arrêté car je sentais que c'était moi devant et les autres derrière, ce n'était plus un groupe, alors j'ai dit :" les gars on arrête là"... j'ai gardé le bassiste (car Barbe Noire avait arrêté entre temps) et j'ai refait un groupe avec des jeunes desperados : un batteur du Havre, un guitariste d'Evreux qui était né à Montpellier mais qui habitait Evreux. On a (c) Rock-Inteviews.com répété à peine 3 mois puis on est parti enregistrer Vacant Heart à Londres en 81 qui est sorti en 82, avec l'aide de Sean Tyla, de Tyla Gang et d'un guitariste qui a fait mauvaise route après : il s'est mis à jouer avec une star de la variété française... On a fait pas mal de concerts, le Bataclan, une belle tournée ! A la fin de cette tournée on a repris Guy-Georges Gremy (mon Chinois préféré) qui est revenu dans le groupe parce qu'il faisait partie de l'histoire qui a existé juqu'à Ringolevio (1987) avec des tournées et des grands festivals...

    1.3) A partir de 81 - l'arrivée de la Gauche au pouvoir - les télévisions ont passé du rock. Il y avait les Enfants du Rock sur la 2, des émissions régulières sur la 3 chaque semaine, donc d'un seul coup on voyait les groupes de rock français à la télévision. On était déjà bien connu mais cela a suscité le vedettariat... par exemple quand j'achetais des croissants en tournée la boulangère me reconnaissait ! Cela a bien disparu depuis puisque maintenant, la télé française malheureusement, à part certaines chaînes à (c) Rock-Inteviews.com thèmes, ne passent plus du tout ni rock ni blues ni jazz d'ailleurs et en plus en chansons elles passent de la daube.. Pour revenir à la Story avant de splitter le groupe on a fait un album à Londres, Guy-Georges avait déjà arrêté puisqu'il ne supportait plus la routine, partir à l'heure, essayer d'arriver à l'heure, prendre des avions, c'était trop de fatigue pour lui... donc on avait pris un guitariste qui avait joué avec Ballavoine et Renaud qui était excellentissime au niveau de la technique mais qui n'avait pas le ressenti rock'n'roll et les fans ne l'aimaient pas. On a fait quand même un très bel album (Ringolevio) avec lui grâce à son jeu de guitare. Mais de nouveau j'ai splitté le groupe, on en avait marre, on n'était plus ensemble et j'ai dit : "si c'est pour jouer avec des musiciens et ne plus être un groupe qui soit des potes, on arrête là".

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    1.4) Chez Musidisc à l'époque il y avait Jeff Eyrich, un producteur américain. J'ai travaillé avec lui et je suis parti à Los Angeles enregistrer "Rendez-vous in Angel City" (1990) avec d'excellents musiciens américains de rock dont Steve Hunter qui a joué avec Lou Reed, Alice Cooper, Mitch Ryder, et avec Kenny Margolis de Willy de Ville, il y avait également le batteur et le bassiste des Cruzados, chicanos mexicains de Los Angeles : que des rock'n'rollers pas des musiciens de studio. On a fait cet album - j'étais un peu devant la vitrine aux jouets car j'avais 40 chansons neuves que l'on m'avait offertes plus les miennes - Cet album a été une grosse expérience pour moi avec tous ces musiciens d'une telle expérience ! qui sont revenus après pour faire un Live. Tout cela est ressorti récemment sur Universal car ils ont racheté le catalogue de Musidisc. J'ai tourné ainsi puis je me suis aperçu que j'ai dû refuser des tournées en Angleterre, des premières parties de Rory Gallagher à Londres pendant 4 jours d'affilée... ce n'était pas viable donc j'ai (c) Alain DISTER refait un noyau de groupe et j'ai reformé un groupe qui est le début de celui-ci avec Bertrand Couloume à la contrebasse, depuis 16 ans maintenant, j'ai reformé ce groupe tout en préparant Lost Territories (1993) et en gardant J.J. Holiday avec moi qui joue dans les Imperial Crowns qui est un très grand groupe - en France on ne les connaît pas assez - allez les voir c'est du rock'n'roll et du blues avec comme racines le Delta Blues ; ils ont un chanteur extraordinaire, adorable qui joue super bien de l'harmonica et puis J.J. à la guitare Slide c'est un tueur ! Revenons à Little Bob, donc mon groupe était à moitié français et à moitié américain il y avait aussi Olivier Durand... On a donc fait Lost Territories, ensuite il y a eu des problèmes... jusque-là j'étais chez les Majors chez EMI avant j'étais chez RCA et puis je me suis aperçu que les majors c'était fini car en fait les majors ont un Directeur Artistique qui te signe, tu arrives dans le bureau il y a le Directeur, le PDG, le (c) Rock-Inteviews.com champagne... ils te disent : "on est fier de signer un contrat avec vous, vous allez être notre objectif" et en fait tu t'aperçois qu'au bout de trois mois si tu n'as pas vendu 30 000 albums tu es un moins que rien, les majors arrêtent toute la promo ; ils ne savent pas qu'il y a des albums qui partent tout de suite et d'autres auxquels il faut le temps de vivre et de s'élargir. Ma musique n'est pas une musique qu'on se prend dans la gueule immédiatement, enfin si ceux qui viennent me voir oui, ce n'est pas une musique qu'on peut écouter comme ça si on n'est pas vraiment préparé à cela, elle est très spécialisée quand même.

    1.5) Je me suis aperçu qu'il n'y avait plus moyen de travailler avec les Majors sinon peut être en distribution mais pas plus que ça. Depuis 97 et pour chaque album : Blue Stories, Libero, le Live Rock on, Riff on, Roll On, Move On, The Gift, le Live avec le DVD je suis obligé de conduire financièrement, de produire avec mes revenus SACEM puisque je suis l'auteur de mes morceaux, de mes titres qu'on arrange avec les musiciens tous ensemble ; je prends cet argent qui me sert à payer mes musiciens et le studio et après j'espère toujours qu'on va vendre un peu pour que cet argent revienne pour que je puisse refaire le prochain album. La vie est comme ça maintenant, (c) Rock-Inteviews.com mais c'est pas plus mal, on a l'épée de Damoclès sur la tête, il faut assurer, il faut que les disques se vendent que les gens viennent nous voir en tournée pour qu'on puisse continuer à survivre et si j'ai un disque qui s'arrête je n'ai plus de rentrées donc je peux emprunter encore une fois ou alors vendre ma maison mais bon j'ai une femme, j'ai des responsabilités ! et aujourd'hui on a besoin des disques pour tourner même pas pour les vendre parce qu'on est copié sur internet. Je ne peux pas en vouloir aux gens, on leur vend du matériel pour copier donc ils s'en servent... comme on leur vend des voitures qui roulent à 200 et on leur dit de rouler à 130 sur l'autoroute c'est pareil et fumer tue mais on gagne du blé sur les cigarettes et l'alcool aussi tue et on continue à en vendre un max je ne suis pas Saint Bob, j'aime tout ce dont je viens de parler mais en même temps la copie sur internet c'est comme si j'allais chez le boulanger en disant je veux une baguette traditionnelle et deux pains au chocolat, je prends la marchandise et je ne paie pas ; si tous les clients font ça le boulanger va fermer sa porte et bien Little Bob si tout le monde le copie un jour il ne pourra plus faire de disques, c'est comme ça...tous les artistes en sont là !

    A.M : "c'est tellement beau d'avoir un album sous les yeux c'est comme un bouquin"...

    Oui. Copier cela donne quoi ? On peut copier les titres mais on a pas les albums. Lire un album c'est complet, il y a une pochette, des photos dedans, il y a des choses qui sont dites, tous les morceaux comptent ! c'est vrai on revient au jetable on copie un titre et après on s'en fout mais les histoires que l'on raconte sur un album c'est toutes les chansons qui font partie d'une histoire c'est comme un bouquin et bien à ce moment-là on n'achète plus que des bouquins avec des images et puis on ne lit plus les histoires, c'est le monde d'aujourd'hui que je ne vais pas arriver à changer tout seul... je peux juste dire ce que j'en pense !...

  2. (c) Rock-Inteviews.com S'il fallait que tu présentes ton groupe en 3 mots que dirais-tu ?

    C'est du rock avec des racines dans le Blues assez tribal et très vrai. On ne ment pas, ni quand on est sur scène, ni quand on enregistre, je peux en dire des choses... les musiciens sont tous là parce qu'ils aiment jouer, ils aiment ce qu'ils font.

    A.M : Les mots que tu préfères sont sincérité, générosité et intégrité...

    Oui. Depuis que j'ai commencé à faire de la musique j'ai envie de pouvoir me regarder dans la glace et dire que je n'ai pas fait de concessions. Je suis sincère quand j'écris, quand je chante, je suis sincère quand je monte sur scène, quand je répète avec mon groupe,et quand je dis à ma femme que je l'aime ! et également quand je dis que sans les gens qui viennent nous voir on ne serait rien du tout !...

  3. Quelles sont tes impressions après 32 ans de carrière ?

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    Il y a beaucoup plus d'endroits pour jouer mais cela devient très dur pour les groupes côté promotion. J'ai de nouveau l'impression que l'on redevient underground comme au début. Mais après tout ce n'est pas plus mal parce que l'on peut dire encore plus ce que l'on pense - ce que j'ai toujours fait d'ailleurs - on peut dire que les Français ont très mal voté, je ne dis pas que la panacée était la Gauche... le monde d'aujourd'hui est plongé dans l'argent, il n'y a que l'argent qui compte, quand on a des gens de Gauche au pouvoir, ils essaient d'amortir un peu le choc pour ceux qui gagnent leur vie en travaillant et qui s'en sortent... là je pense qu'on a élu le pire...

  4. Est-ce que tu penses que le rock conserve ?

    Ecoute, moi, oui cela me conserve apparemment ! On vieilli, regarde mes cheveux et c'est vrai que l'énergie n'est plus tout à fait la même...Mais on a plus de métier et de savoir-faire et cela nous aide à nous en sortir quand on est fatigué sur scène ; quand on fait 3 concerts d'affilée, au troisième il faut aller au fond de soi pour sortir de l'énergie, ma musique c'est de la haute énergie, je suis obligé d'y aller ! le rock conserve mais je ne sais pas jusqu'à quel point...

    (c) Rock-Inteviews.com

    Quel est ton meilleur souvenir ?

    Il y en a trop, il y en a tellement ! Je ne peux pas dire...

    Quel est ton plus mauvais ?

    Il y en a un que je n'ai pas du tout aimé ! Je n'aime pas quand les gens nous accueillent mal. On était à un gros festival en Hollande à Rotterdam où on jouait sur la grande scène.Il y avait 80 000 spectateurs et on jouait avant Gruppo Sportivo , groupe hollandais de Rotterdam, un peu variété qui était la vedette du festival et de Rotterdam. On est arrivé avec notre rock rentre dedans et des connards se sont mis à nous balancer des trucs sur scène, pas beaucoup, une cinquantaine, mais ça suffit, sur 70 000 ou 80 000 personnes ce n'est pas grand chose mais on aurait mieux fait de jouer sur la scène rock qui était de l'autre côté où il y avait tous les groupes rock car on a joué entre Chris Rea et Gruppo Sportivo , et là c'était dur, je (c) Rock-Inteviews.com leur faisais bien des bras d'honneur et je les envoyais balader en anglais avec des fucking et des bastards mais cela ne changeait rien ; on a joué 35 minutes à toute berzingue et on leur a fait un gros bras d'honneur en partant ! ça c'est un mauvais souvenir parce que je n'aime pas quand les gens sont insupportables parce qu'ils veulent absolument le groupe qui est derrière et c'est arrivé aussi à des groupes qui jouaient en première partie avec nous et je n'aime pas ça.

  5. D'où vient l'inspiration pour écrire les textes des chansons ?

    C'est la vie, ce que je vis et ce que je vois autour de moi, les voyages aussi m'inspirent. Quand je vais en Afrique, quand j'étais au Nigéria j'ai après écrit Alabama Pedro, où, là j'ai une nouvelle chanson sur un jeune africain qui traverse, tu sais ceux qui viennent essayer de trouver l'eldorado chez nous, et qui trouve en fait les ghettos dans les bidonvilles ou dans les squats. C'est la vie, c'est ce que je vois, la voisine qui est un peu trop forte mais qui est quand même désirable par moments, le voisin qui rentre bourré et qui a son chien qui aboie à 5 heures du matin quand je me couche à 3 heures, les mômes qui démontent les (c) Rock-Inteviews.com pneus dans la rue et qui dealent au coin de la rue, ma femme que j'aime...l'amour parce que c'est ce qu'il y a de plus important.

    C'est ton thème préféré, l'amour ?

    Oui. Il y a aussi des chansons d'avertissement comme Shadow over, je l'ai écrite il y a 12-13 ans avec J.J Holiday des Imperial Crowns qui jouait avec nous. A cette époque je voyais un voile noir, une ombre noire qui arrivait, c'était Le Pen qui prenait de l'importance ; depuis on a bien vu en fait que ces ouailles sont parties chez Sharko, de shark, le requin. L'ombre subsiste toujours, j'essaie de positiver mais en ce moment c'est pas terrible, le monde, au point de vue écologique, l'état de la terre sur laquelle on vit et tout ce qui va arriver. On sent arriver des choses, et ça c'est terrible, je ne sais pas combien de temps cela va prendre j'espère le plus longtemps possible nous on ne le verra pas mais on commence à en ressentir les conséquences et puis les religions c'est vrai que les blancs, les Européens, les Américains ont fait beaucoup de saloperies en Afrique, dans les pays arabes et le Moyen-Orient et maintenant il y a le retour de bâton ; ça c'est terrible car ce sont les innocents qui paient en général. Tout cela j'essaie de ne pas trop en parler mais No future is now c'est le morceau typique qui parle de ça !