Jaja - Interview - 19 Février 2010
Les Classic & Troubles c'est trois mecs : David à la batterie, Fab à la basse et moi au chant et à la guitare; mes deux compères font aussi les choeurs. C'est une aventure humaine, presque familiale, j'allais dire, qui dure depuis 10 ans maintenant. C'est une rencontre un peu improbable. Avec David on avait pas mal bourlingué ensemble, on avait eu des groupes auparavant et puis un jour on a eu envie de monter ce projet avec Classic & Troubles, ce truc un petit peu fou, quelque part. Comme on n'avait pas de bassiste, on a passé tout simplement une petite annonce dans un journal, parce qu'en fait on ne connaissait pas de bassiste de disponible et Fab est venu, et cela dure depuis 10 ans !
Quand on a monté cette formation, nous étions vraiment très enclins à tout mouvement pub rock donc évidemment Dr Feelgood, Inmates, etc...Tu vois ce genre de choses. On s'est très vite mis sur les traces de ces gens-là, d'abord en reprenant leurs titres, qui d'ailleurs n'étaient pas toujours les leurs ; On copiait et imitait ce style. Mais comme nous ne tendions pas à être un groupe jouant que des reprises mais plutôt un groupe qui compose - on avait un répertoire de 45-50 chansons plus ou moins - chaque fois que l'on composait un de nos titres on enlevait une reprise jusqu'à ce que l'on n'arrive à jouer que nos compos et quelques reprises, histoire de s'amuser un peu, on va dire !
Les impressions : C'était un peu le stress avant le concert parce que notre tourneur, 106 db productions - qui a d'ailleurs de super artistes - nous appelle pour nous dire : "La première partie de Neil Young doit se confirmer pour la semaine prochaine", on devait donc jouer un mercredi. J'attends son coup de fil. Le lundi il me dit : "C'est confirmé vous jouez mercredi". Génial ! J'appelle les copains pour leur dire : "Les gars on va jouer à la Halle Tony Garnier pour Neil Young, cela va être génial". Le mardi le concert est annulé en ce qui nous concerne - parce que Neil Young bien entendu allait jouer - pour des problèmes techniques de retour de scène. On s'est retrouvé un peu bête car on nous avait bien fait mousser et monter le truc et on était ravi de le faire et le concert s'annulait juste pour une histoire de matos. Puis finalement Eldorado Productions - que je salue parce qu'ils nous on vraiment soutenu depuis le début du groupe, ils nous filent des coups de pouce - et 106 db se sont dépatouillés, je ne sais pas réellement ce qui s'est passé, mais le problème de matos avait été résolu, même si l'équipe technique de Neil Young voulait telle chose et pas telle autre, donc il fallait vraiment trouver des compromis. Le mercredi à 11h00 mon téléphone sonne et on me dit : "Vous devez être à 14h00 à la Halle Tony Garnier pour faire la balance. A 14h00 on était à la balance. Pour décrire cette journée : beaucoup d'attente parce qu'évidemment quand on arrive à 14h00 on ne fait pas la balance avant 17h00 et à 17h00 on s'aperçoit que finalement on ne fait pas la balance parce que Neil Young est capricieux ce jour-là ou que c'est peut-être son habitude, je ne sais pas comment il fonctionne, mais en tout cas il avait de gros caprices ce jour-là, ce qui fait que l'on a juste fait un soundcheck, c'est-à-dire que l'on est arrivé (Jaja mime) ça marche, ça marche, on n'a rien essayé ! Le public rentrait et on était encore sur scène à vérifier si ça marchait. Sinon concernant la soirée, on a été bien accueilli par le public Lyonnais, c'était donc génial et puis on a joué dans des conditions un peu extrêmes parce que le gaillard prend énormément de place sur scène, il a tout un tas de bazar, du coup, même à trois, on ne savait pas tellement où se placer mais finalement on a trouvé un truc un peu compact, ça s'est très bien passé, dommage que l'on n'ait pas eu vraiment de contact avec lui, si ce n'est quand il nous a demandé de faire sauter notre balance pour qu'il puisse en faire encore plus pour lui...Neil Young !
Oui, c'est la magie de la musique. On rencontre heureusement, beaucoup plus de gens et d'artistes sympas que pas sympas. Il nous est même arrivé de partager la scène de "M" Mathieu Chedid sur un truc complètement inouï. Mais dans la globalité, c'est vrai que tous les gens que tu viens de citer sont des personnes qui comptent beaucoup pour moi. On pourrait ajouter Bijou svp avec Philippe qui est un mec adorable. Philippe Dauga et Little Bob c'est marrant je les mettrais un peu dans le même panier parce qu'ils sont super humains, authentiques, ils y croient et il n'y a rien qui les ferait lâcher, ce sont des pitbulls de la musique ! Ils sont accrochés à cela. Donc effectivement beaucoup de rencontres et sur 10 ans ce sont des rencontres qui se répètent et finalement on devient ami, c'est donc génial. On va jouer au Festival de blues-rock de Millery avec Nine Below Zero le 3 avril prochain. On reste un peu entre guillemets entre frères ou en famille !
La meilleure anecdote pourrait certainement être le commencement du groupe, comment on a monté ce groupe - Tout le monde peut monter un groupe par envie - Après, ce serait comment on a pu mettre le pied à l'étrier. En fait c'est toujours une rencontre de hasard et comme on dit, le hasard fait bien les choses, on a rencontré Pascal Redondo qui joue dans les Shaggy Dogs, que je salue aussi en passant, parce que c'est un très bon groupe de pub rock. On jouait au fin fond de l'Ardèche et lui était en vacances là-bas. Il connaissait le mec qui connaissait un autre mec et nous a présentés au label Outside records qui faisait un hommage à Lee Brilleaux, le Tribute to Lee Brilleaux. On a donc participé au N°1 - Quand on a rencontré Pascal on était sous un autre nom avec d'autres gars - Puis on a participé au N°2 avec Classic & Troubles, et avec ce volume 2 de Tribute to Lee Brilleaux on a signé également pour un album "On the Phone" en 2002. Après les choses se sont enchaînées parce que finalement tu connais un label et puis tu t'aperçois que tu en intéresses un autre et puis on te présente un mec, etc, etc... donc les labels jusqu'au 3ème album.
Cela pourrait être la suite de la première anecdote. Avec ce qui se passe aujourd'hui dans le monde de la musique, l'industrie, à mon goût, nécessaire du disque qui se casse la gueule. Même si tout le monde sourit et dit que ce n'est pas grave et que l'on va trouver des solutions. Il n'y en a pas ! C'est le précipice sans fond. Tous ces labels que l'on aime beaucoup, tous ces gens, ces directeurs artistiques, qui étaient de vrais directeurs artistiques de labels, c'est-à-dire, des gens humains, qui nous ont vraiment aidés, qui se sont creusés la tête, qui se sont arrangés pour nous filer la main pour que l'on sorte un disque digne de ce nom, avec un petit peu de pub, et bien quand tout cela s'arrête c'est le pire moment, parce qu'on s'aperçoit qu'il y a tout un monde qui disparaît. Tout le monde joue la carte de il ne se passe rien, je suis rassuré... Mais où va-t-on ? Nulle part, on se débrouille et je pense que cela m'amènera à parler du 4e album, la suite de cette triste expérience de la disparition de certains labels.
Oui.
AM : Votre premier album en 2002 "On the Phone", le deuxième "Deadly Game" en 2004,
le troisième s'appelait "Walk Away" en 2007 et enfin le 4ème album qui s'appelle...
"Another Day". Oui, on va montrer la pochette. C'est un disque que l'on dit fièrement autoproduit.
Nous l'avons autoproduit. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait plus de labels.
Nos labels sont partis comme ils ont pu, avec des exemplaires
qui traînent dans la nature, on ne sait où, des droits qui ne sont plus à nous, etc.
On en avait marre et sans se voiler la face, sans cracher sur les
labels qui continuent à exister parce que c'est une force qui mérite le respect,
j'ai l'impression que dans tout ce bazar de labels qui disparaissent,
cette espèce de complaisance qui dit que tout va bien,
il n'y a rien, pas d'énergie au niveau des labels,
il y a des petits sursauts d'artistes mais plus cette énergie
où l'on propulsait des artistes, on les faisait connaître, on les faisait tourner,
on mettait un peu d'argent pour faire de la publicité pour que les gens
soit informés de la sortie d'un nouveau disque. On a vraiment fait un choix.
Plutôt que de courir après des labels que l'on ne connaissait pas ou
qui par méconnaissance ne nous intéressaient pas,
on s'est dit que ce disque allait se faire avec nos deniers et
on a essayé de faire un truc de quarantenaire, une aventure humaine,
c'est-à-dire qu'en fait sur cet album il n'y a que des copains. Il n'a été réalisé
qu'avec des copains : notre ami LOL qui nous a fait toutes les prises de
son dans des endroits improbables,
il s'est cassé la tête pour nous trouver des lieux, pour se faire prêter du matos car évidemment nous
n'avions pas beaucoup d'argent pour le faire. Un disque cela coûte cher.
AM : Combien ça coûte ?
Celui-là je ne le dirai pas parce que l'on s'en est tiré à bon prix, tout est relatif,
mais je vais te donner le prix de notre 3ème album qui a été fait dans de vrais conditions,
il a coûté 15 000 €. Donc les gars il ne faut pas pirater la musique, il faut l'acheter,
sinon demain vous n'achèterez plus que des biscottes ! Ce qui me plaît énormément c'est que
l'on a retrouvé tous les copains et surtout on a redécouvert les copains, on s'est dit voilà
les gars on est en train de faire un album autoproduit, toi tu as du talent pour écrire un article
ou une bio, toi tu as du talent parce que tu sais prendre le son, toi le mixer, toi tu sais faire
des pochettes, Dom-SD d'ailleurs lui, depuis le début, nous suit, Dom-SD fait les graphismes de tous
les albums ; Je vais faire un petit coup de pub pour Dom parce que j'aime beaucoup ce mec,
il faut faire
www.domsd.com
et allez voir ses travaux, c'est impressionnant,
il a fait des tonnes de trucs et a aussi des travaux à proposer...
Ce disque est une aventure humaine et on en est très fier !
Ouais, il a joué sur "Lina's gone" qui est un titre assez autoroute, sans fioriture.
Je pense que ce titre lui collait bien à la peau, non pas parce que c'est un titre sans fioriture,
mais parce que c'est un morceau assez direct qui m'a tout de suite fait penser à Philippe,
qui est un mec authentique, qui va droit devant et qui se fout un peu du qu'en-dira-t-on.
On avait fait quelques dates avec Bijou svp. La musique c'est bien mais il y a aussi
le côté humain, et comme avec Philippe on a tout de suite accroché, un jour
je me suis tapé la gonfle et je l'ai appelé pour lui proposer de venir faire de la
basse sur un morceau. Il a été ravi et cela s'est passé comme en famille,
donc vraiment la vraie aventure humaine avec des copains qui viennent
jouer et montrer leur talent et tout cela pour nous les Classic & Troubles.
AM : Tu as un titre préféré Jaja sur cet album ?
J'aime beaucoup "Loony Soon" le titre qui ouvre cet album. Il envoie et est très mélodique en même temps,
donc je l'aime beaucoup et j'aime beaucoup aussi "She's a Sinner", le troisième titre de cet album.
Sincèrement je pourrais dire que je les aime tous mais cela ferait le mec super prétentieux et
fier du travail accompli. Mais je pense, on parle de moi, mais je représente aussi le groupe,
je tiens à insister là-dessus, on partage un peu les mêmes avis, on a une fierté sur
l'ensemble de ces titres. Après des titres, tu vois, comme "Everybody's got a way"
on ne le joue pas car on n'arrive pas à le faire sonner sur scène, il faut être très honnête.
Il y a des morceaux comme ça qui ne tournent pas, c'est un peu l'ennui donc on préfère les enlever.
Autrement, on aime beaucoup le reste, et cela passe super bien sur scène donc il faut venir nous voir les gars !
Oui
AM : Ce qui est bien.
Oui
AM : Vous avez fait plus de 800 concerts ensemble.
Oui, en 10 ans cela laisse un peu de temps aussi !
AM : Comment pensez-vous fêter cet anniversaire ? Vous allez faire quelque chose, pour vos 10 ans ?
Il y a eu des projets qui ne sont pas enterrés non plus. Je ne peux pas trop en parler
car on aimerait créer l'effet de surprise. Ce sera peut-être juste retardé car
comme il n'y a plus de labels, il n'y a plus de fonds pour l'artiste, en tout cas
ils ne sont peut être que pour les gros artistes et moins pour les moyens et les petits.
Donc on est obligé de le faire avec nos deniers et c'est très compliqué parce qu'on aimerait
faire quelque chose d'un peu important. Si cela se fait pour nos 10 ans ce sera très bien,
si c'est pour les 11, on fêtera les 11, finalement c'est moins commun, un peu comme nous,
on n'aime pas les trucs trop établis ! On va les fêter avec quelques grosses bouteilles,
en cercle privé. On a beaucoup d'idées. On aimerait aussi - je peux en parler parce que
l'on en parle très souvent entre nous - faire quelque chose que je n'assumais pas, mais
maintenant on aimerait beaucoup faire un album acoustique, peut-être pas le suivant mais
c'est un truc sur lequel on commence à poser des marques intéressantes. Je cite souvent
une phrase d'un journaliste qui avait dit, une chose qui m'avait plu, car c'était un peu flatteur,
et qui traduisait tout à fait ce que l'on voulait faire dans la musique ;
c'est qu'il faut toujours mettre une étiquette aux choses pour savoir qui on va voir,
qui sont les gens. Les étiquettes sont plus ou moins nécessaires pour orienter le public.
Si on regarde l'ensemble de ces 4 albums il n'y en a pas un qui ressemble vraiment à l'autre.
Ce journaliste avait dit avec les Classic & Troubles on ne sert jamais deux fois le même plat.
C'est pour cela qu'un album acoustique pourrait nous convenir et puis peut-être que
le prochain sera plus hard rock, mais en même temps on ne saute pas d'un style à l'autre,
on reste toujours rock mais avec des pensées qui rappellent le hard rock, la pop, ceci ou cela.
Classic & Troubles reste une entité avec des envies...On n'a absolument pas envie de faire
toujours les mêmes albums, je pense que ce serait ennuyeux. Ce n'est pas toujours évident
de marier tous ces titres entre eux sur scène mais on ne se dépatouille pas trop mal finalement !
AM : Merci Jaja.
Merci Anne-Marie et j'aimerais vraiment adresser un petit message personnel :
arrêtez de télécharger illégalement de la musique parce que vous faites
vraiment mais vraiment du mal. Pour vous donner un exemple : si vous téléchargez de la musique,
évidemment l'artiste ne vend pas de disques parce que vous n'avez plus besoin de l'acheter,
donc les labels ne font pas de recettes sur les artistes, donc ils disparaissent et
les artistes autoproduisent leurs albums, c'est une première chose qui n'est peut-être
pas mauvaise mais vous êtes moins inondés de bonnes choses, après vous êtes inondés de
bonnes choses par internet ce qui est génial mais finalement à force d'être inondé vous
ne savez même plus de qui ni de quoi...Et puis toute cette musique se banalise et à force
de regarder les concerts plutôt que d'aller voir les artistes vous n'avez plus besoin
de savoir qui sort tel album et si le concert était bien. Vous faites même du tort aux
journaux qui traitent de la musique comme par exemple rock'n'Folk, ou d'autres du même genre.
Quel est l'intérêt pour vous de les lire puisque vous savez si bien prendre la musique,
vous n'avez pas besoin de savoir...Voilà en tout cas les gars, on vous aime tous,
mais vous êtes en train de scier une branche vraiment dangereuse !