Jean-Jacques BURNEL - Interview - 11 Avril 2012
Le Transbordeur (Lyon)
Oui.
AM : Comme tu as une double culture, est-ce que tu te sens plus proche des Britanniques ou des Français ?
J'ai une botte dans chaque camp je crois. Je vois les choses françaises
d'un point de vue britannique et je vois les choses britanniques parfois
avec un point de vue français.
Mike Marlin, oui, super.
AM : Tu peux nous en parler ?
Oui, il a fait notre première partie déjà en Grande-Bretagne
l'année dernière et on l'a pris pour notre tournée britannique
aussi cette année et pour le reste de l'Europe.
AM : Es-tu content des 8 premiers concerts que vous avez faits en France ?
Ah oui, ils ont été chauds. Les gens ont été très réceptifs,
beaucoup plus qu'auparavant d'ailleurs, et peut-être qu'ils
ont une certaine synchronicité en ce moment.
Oui. Je suis conscient de l'histoire qu'il y a derrière ce nom,
c'est comme si on jouait au Royal Albert Hall ou au Roundhouse à Londres,
c'est quand même iconique, n'est-ce pas ?
AM : Oui bien sûr. Ensuite un concert prévu à Magny-Cours pour la 76e édition du Bol d'Or.
Oui.
AM : Tu vas y aller en moto ?
Non, mais je vais être présent à la ligne de départ ! C'est un privilège
et un honneur, étant motard et vu que c'est une des grandes courses historiques
je crois d'ailleurs que c'était la toute première course de 24 heures,
donc la plus ancienne.
AM : Et pour finir cette tournée un passage à Caen, une ville que tu connais bien, n'est-ce pas ?
Oui j'ai bien connu cette ville puisque j'y allais tous
les étés lorsque j'étais gosse, mes parents m'embarquaient de
Londres à Caen et je passais l'été chez mes grands-parents,
sur les plages normandes et je ne réalisais pas que quelques
années auparavant il y avait eu des scènes d'horreur absolue...
Oui. Pas très bien. Cela fait trois ou quatre semaines maintenant qu'il a été pris en urgence à Oxford mais son état n'a pas l'air de s'améliorer énormément.
AM : En tout cas nous lui souhaitons un prompt rétablissement.
Il y a eu également un petit problème à Liverpool le 5 mars, que s'est-t-il passé ?
Pas vraiment, un tout petit problème, pas de problème vraiment !
AM : Il y a quand même une personne dans l'assemblée qui t'a jeté un verre de bière à la figure.
Oui, mais bon il y a des idiots partout et je me suis occupé de lui, donc ce n'est pas un problème !
AM : Oui mais à ton avis pourquoi a-t-il fait ça ?
Peut-être qu'il avait pris une bière de trop !
AM : Il était un peu bourré.
Qui sait ?
AM : Il y a quand même une belle vidéo qui circule sur Youtube.
Ah bon, je ne l'ai pas vue.
AM : Elle a été vue 17 500 fois quand même...
17 000 ? (riant) Ah oui.
Oui on va jouer en Lettonie, en France, à Jersey et quelques festivals en Angleterre. On va jouer à Cognac.
AM : Ah oui ok. Vous allez jouer à Bruxelles aussi ?
Ah oui pour le
Brussels Summer Festival.
AM : Il va y avoir
Iggy Pop
aussi à l'affiche.
Bof.
AM : ça te fait ni chaud, ni froid Iggy Pop ?
Comme personnage je le trouve fantastique, mais musicalement cela me laisse froid.
Le manque de géants dans le monde actuel, c'est-à-dire, on peut dire lamenter en français ?
AM : Tu veux dire lamentable ?
Non, to lament.
AM : Se lamenter.
Je me lamente de voir les petits nains qui s'occupent de nos affaires.
AM : Nous aussi !
Le monde est devenu petit.
AM : Et pourri ?
Corrompu oui. Avec des personnes qui discréditent la démocratie et en plus
vu qu'il y a de plus en plus de gens qui ne votent pas, cela discrédite encore
plus la démocratie et quand on pense à tous ceux qui ont perdu leur vie en
essayant de se battre pour la démocratie et contre le fascisme,
c'est épouvantable comme situation.
AM : Et le problème aussi pour qui voter ? Il y a les élections bientôt en France...
Oui mais ça c'est un bon argument pour la monarchie constitutionnelle.
AM : C'est vrai.
Parce que au moins un chef d'état dans une monarchie constitutionnelle
n'est pas obligé de faire des promesses et de monter une partie de la
population contre une autre partie de la population, on trouve des boucs
émissaires. Au contraire, je n'aurais jamais cru que j'allais être pour
une monarchie constitutionnelle mais quand tu vois tous les pays qui l'ont,
ce sont les pays les plus stables, qui ont confiance en eux, si ils
revendiquent quoi que ce soit, ils ne vont pas le revendiquer au pied de
leur monarque qui garde une certaine "hauteur" dans ses affaires tandis que
le chef d'état se fait élire ici et dans beaucoup d'autres pays.
D'ailleurs le chef d'état a dû démissionner en Allemagne il y a quelques
semaines pour une question de fraude financière, le chef d'état a dû
démissionner en Israël pour des histoires de cul, quand tu penses que
le chef d'état en Grande-Bretagne ne va pas être inculpé pour des problèmes
liés à l'argent ou autre, c'est un bon argument pour la monarchie
constitutionnelle, n'est-ce pas ?
Tu crois ?
AM : Oui.
Ah ok.
AM : Mais tu me diras les Stranglers ont toujours été provocateurs et indépendants !
On n'a pas fait cela pour provoquer, même pas pour faire le point sur l'indépendance,
je l'ai senti comme ça, nous n'avons pas réfléchi si c'était osé ou pas,
cela me semble la chose la plus naturelle au monde ! (riant)
AM : Vous allez le jouer en concert cet instrumental ?
Non. On peut jouer tout l'album, mais j'ai pensé que jouer tout l'album quand
il n'est pas encore connu ce serait un peu "boring" (ennuyeux). Il vient juste
de sortir en France il y a une semaine, je crois que l'on va couvrir tous les
points du globe Stranglers et oui on va jouer 4 morceaux du nouvel album.
AM : 0k. Pour en revenir à cet instrumental qui s'appelle Another Camden
Afternoon, c'est un fait divers assez atroce.
0ui. Tu veux que je t'explique pourquoi ?
Oui merci. C'était il y a quelques années dans la gare d'Euston, une grande
gare centrale de Londres, une dame buvait un café et deux junkies - c'était
leur territoire, si tu veux, pour eux c'était comme si ils allaient au bureau
- Un des deux lui a pris son sac et a couru dans une voiture qui l'attendait.
La dame a poursuivi le junkie, elle s'est mise sur le capot de la bagnole,
ils ont fait marche arrière et "they drive over her".
AM : Ils l'ont écrasée.
Oui et ils l'ont tuée. Et pour eux c'était juste une autre après-midi au bureau,
it's just Another Camden Afternoon. J'ai trouvé ça si petit et si énorme de
répercussions que cela m'a choqué.
AM : Nous vivons dans un monde formidable...
Il a toujours été formidable de ce côté-là.
AM : Après est-ce qu'ils ont vraiment le choix, quand on est junkie et
que l'on doit absolument trouver de l'argent pour acheter de la came ?
On pourrait avoir un énorme débat à ce sujet. Je n'ai pas vraiment
de sympathie pour les junkies, franchement. On a été pris là-dedans aussi
et on s'est entraidé pour s'en sortir. Il faut avoir la volonté,
c'est très simple, le physique vient après, il faut d'abord avoir de la volonté !
Oui.
AM : Il y a toujours eu beaucoup de symboles sur les pochettes de vos disques :
le corbeau, la panthère, l'araignée, et si l'on regarde la pochette de ce nouveau CD,
qu'est-ce qu'on voit ? Un portique avec des cordes de noeud de pendu mais sans corps,
c'est la couverture européenne ?
La couverture britannique est plus précise.
AM : Il y a une petite fille blonde qui regarde ce portique,
que représente-t-elle ?
L'innocence bien entendu.
A Bath où se trouvent nos salles de répétition et enregistrement
et nos ateliers pour réparer les amplis et il y a aussi notre management
là-bas. Tout est à Bath.
AM : Il est sorti sous quel label ce CD ?
En Europe
Edel
et en Grande-Bretagne sous notre propre
label distribué par Universal.
AM : Il y a combien de titres ?
Il y a 10 titres.
AM : Quels sont les thèmes développés ? Tu peux nous en parler rapidement ?
Oui j'en ai déjà parlé plus haut, c'est-à-dire la corruption,
la position des valeurs occidentales sur le reste du monde et
plein d'autres trucs (sourire)
Un poco.
AM : Tu cantas una bella canción.
Merci.
AM : Cet album est sorti également en vinyle, est-ce exact ?
Oui il y a une demande pour le vinyle et je suis toujours partant pour le vinyle !
AM : Justement je voulais te poser la question, es-tu pour ou contre le fait
que le vinyle soit à nouveau plus présent sur le marché du disque ?
J'ai répondu, je suis pour.
AM : Pourquoi ?
Parce que c'est une valeur qui s'est un peu perdue, je suis toujours pour
les nouveautés mais je pense que toucher un disque c'était un des grands
plaisirs de ma jeunesse et je suis content de voir que beaucoup de jeunes
maintenant retrouvent ce plaisir et aussi au niveau du son, il y a une
différence de qualité, c'est plus chaud. Je "download" (télécharge) parfois
mais le problème si tu n'as pas les informations, tu ne touches pas le truc,
et cela développe un autre art, c'est-à-dire un art de ne pas faire d'art
pour les albums, de ne pas créer une oeuvre qui dure à peu près 40 minutes,
qui entraîne un voyage et une aventure.
AM : Une histoire.
Merci beaucoup Jean-Jacques pour cette interview, trop courte, mais c'est vrai que nous n'avions que 15 minutes !...