Laurent : Le nom du groupe vient d'un vieux morceau intitulé
I Live In Picardie, chanté avec l'accent picard. Un pote d'Ivan,
notre ancien chanteur, nous a dit que c'était trop fatal le morceau
en picard. Grâce à lui on avait donc trouvé le nom du groupe !
Jean-Marc : Les Fatals Picards, c'est une véritable escroquerie
car aucun de nous quatre n'est picard.
Laurent : Sauf que depuis le redécoupage régional, en tant que lillois,
je revendique l'appartenance à une région qui englobe la Picardie.
Jean-Marc : Moi, je revendique l'appartenance à un pays, qui englobe
l'ancienne Picardie, mais toujours picard de coeur pour venir en coeur.
Laurent : Tu devrais peut-être aller chez le cardiologue.
Paul entre dans la loge...
AM : Bienvenue Paul. Merci de te joindre à nous pour cette interview.
Laurent : Combien d'années d'existence pour les Fatals Picards ?
Paul : Merci. J'ai 28 ans !
Jean-Marc : Le groupe existe réellement depuis le début des années 2000,
mais dans sa formation actuelle, depuis l'arrivée d'Yves et Paul,
on peut dire depuis 2006.
Laurent : Pour ma part, cela fait depuis l'année 2000 que je fais
des concerts avec d'autres musiciens que vous.
Jean-Marc : Pour moi, 2002.
Paul : Mon premier concert date de 93.
Laurent : Non de 2007 à Avranches.
Paul : 2004, oui à Avranches, le 9 décembre.
Jean-Marc : C'était il me semble un vendredi...Il pleuvait...
Paul : Non, il faisait beau.
Laurent : Il pleuvait sur Brest, dans le poème de
Jacques Prévert,
Barbara...
Jean-Marc : Il pleut toujours ailleurs...
Textes.
AM : Un seul mot à développer...
Paul : En explication de texte.
Laurent : En traitement de texte. Oui cela nous arrive de nous en servir.
Paul : Si tu enlèves les "t" cela fait sexe.
Jean-Marc : Si tu ajoutes "con" cela fait contexte.
Paul : Et si tu ajoutes "sur" cela fait surtexte...Mais on préfère...
Tous entonnent la chanson de
Françoise Hardy, écrite par
Serge Gainsboug : Sous aucun prétexte je ne veux, devant toi surexposer
mes yeux, derrière un kleenex, je saurais mieux, comment te dire adieu !
Laurent : Nous écrivons les textes tous ensemble. Parfois c'est moi, ou Paul,
ou Jean-Marc ou Yves. Cela dépend des chansons.
Laurent : Les thématiques viennent d'un peu partout.
Jean-Marc : On les écrit toujours avec des mots.
Laurent : On met un point d'honneur à respecter cette langue française
si malmenée par de nombreux artistes qui confondent souvent écriture et justement pas d'écriture.
Laurent : Donc d'abord une aventure textuelle puis musicale.
AM : Avec des chansons toujours décalées et humoristiques.
Paul : C'est le fil rouge de notre groupe.
Jean-Marc : l'ADN.
Clips.
AM : Pourquoi ai-je choisi ce mot ?
Laurent : J'ai trouvé.
Bernard Lavilliers. Il a joué le rôle de son sosie dans un de nos clips.
Paul : Oui, nous avons fait quelques clips, très peu diffusés,
à part C'est l'Histoire d'une Meuf.
Laurent : Et celui de Bernard Lavilliers.
Jean-Marc : Notre clip Gros Con est passé à la télé.
Paul : Les clips ne sont pas assez regardés par rapport au coût de réalisation.
Jean-Marc : Ils ne sont pas diffusés pour nous. Les clips de
rock ne passent pas à la télé. Mais on est quand même obligé
d'en faire de plus en plus car Youtube, Dailymotion, etc.
sont en train de prendre la place des télévisions et de
plus en plus, les internautes iront chercher ce genre d'information
plus qu'à la télé. C'est vrai de nos jours, pour les gamins qui
vont voir et revoir plusieurs fois des clips de rap par exemple.
Laurent : On compte bien faire au moins un ou deux clips.
On a fait une opération de Crowdfunding pour financer notre prochain album.
AM : Nous n'avons pas parlé également de votre clip Coming Out.
Paul : Oui il était bien. C'est pareil, par rapport à des vidéos
débiles faites en cinq minutes chez soi, qui ont cinquante mille vues,
deux heures après leur mise en ligne. On met toute son énergie pour
faire un clip chiadé avec des bons moyens et le clip est visionné de
la même façon, en un mois.
Jean-Marc : Coming Out, ce fut des jours de préparation.
Il a coûté cher, il y avait beaucoup de personnes sur le tournage,
Dave et
Armande Altaï. Il est vraiment très chouette.
Il a demandé beaucoup de préparation et c'est peut-être celui qui
est le moins vu au final, parce que c'est le moins naturel par
rapport à ce que l'on fait d'habitude.
Laurent : Alors que quand Paul met un noeud papillon et des
grosses lunettes, c'est plus regardé.
Paul : Et que je fais des fautes de français comme
Maître Gims, ça marche.
La Télé
Paul : Sans rentrer dans les détails, l'essentiel des places
artistiques à la télé sont déjà trustées.
Jean-Marc : Il n'y a plus d'émissions télés intéressantes pour nous.
On a été invité dans l'émission de Dave, c'était plutôt
sympathique de sa part. Nous n'irons pas chez
Drucker.
Les autres émissions de variété, comme Star Académie, il n'y a
pas de raison que l'on y participe. Dans les émissions de plateau,
ils ne reçoivent que des vedettes existantes, donc on ne sera pas chez
Hanouna.
Laurent : Faut dire que c'est une émission débile.
Paul : Même s'il nous invitait, j'essayerais de lui répondre le plus
gentiment possible que c'est vraiment ignoble ce qu'il fait et que
j'aurais un vrai problème de conscience à m'afficher à côté de ce
personnage complètement anti-médiatique.
Jean-Marc : Il y a d'autres émissions mieux faites.
Paul : Nous avons fait une émission de télé qui s'appelait La Vie en Rock,
diffusée sur l'
Enorme TV,
chaîne qui existe toujours. On a arrêté cette
émission car il n'y avait pas d'argent et cela demandait énormément de travail.
Faute de diffusion importante, personne ne la regardait.
C'est un peu comme avec les clips. Encore une fois quand on fait une vidéo
à la maison, on la met sur Facebook, il y a beaucoup plus de vues.
Nous sommes passés à la télé avec l'Eurovision en 2007, avec le titre
l'Amour à la Française. Comme c'était sponsorisé par France Télévisions,
les présentateurs cons comme
Nagui
ont été obligés de nous inviter.
Jean-Marc : En général, nous sommes invités dans Alcaline quand
on sort un album, dans
Télématin
car Frédéric Zeitoun nous aime bien,
mais on ne fera pas d'autres télés. Notre émission La Vie en Rock a été
proposée à plusieurs chaînes. Certains frissonnaient d'envie mais d'autres
ont dit non. Le rock à la télé, les comiques, le trash ce n'est pas possible.
Paul : Une équipe a failli filmer un de nos concerts.
Laurent : Nous sommes intellectuellement les plus proches d'Arte,
mais quand même trop décalés pour eux.
Paul : Notre concept est très spécial.
Jean-Marc : A une époque,
Virgin
qui était un peu plus rock'n'roll,
avait fait une captation de concert, mais maintenant ils ne passent que du Top 50.
Paul : Ce qui est dommage c'est que la télé est encore le plus
gros media présent. L'inconscient collectif pense qu'un artiste existe,
est connu qui s'il passe à la télé. Il y a même des gens qui nous demandent
si on en vit car ils ne nous voient pas à la télé. Ils nous posent
ce genre de questions, vous faites combien de concerts à l'année ?
Une centaine ? Non ! Vous avez sorti combien de disques ? Huit disques. Non !
Jean-Marc : En première partie de qui ?
Paul : Voilà, nous sommes donc encore dans des phases où il faut passer à
la télé pour être connu et reconnu. C'est donc pour nous un peu un frein.
A l'heure actuelle on remplit toutes les grosses scènes musicales, mais malgré
cela, en France, pays qui compte plus de 60 millions de personnes,
il y a encore plein de gens qui ne connaissent pas encore les Fatals Picards.
J'ai pour exemple une ancienne collègue, que j'ai retrouvé sur Facebook,
qui ne connaissait pas notre groupe. Elle a écouté et m'a dit qu'elle adorait
notre travail. Il y a donc potentiellement d'autres personnes qui seraient
intéressées, et viendraient à nos concerts.
Laurent : On a fait 1 300 concerts en 15 ans, et nous n'avons jamais été contactés,
même pour un début de proposition, pour participer aux Victoires de la Musique.
Jean-Marc : Les festivals, qui ne programment que les artistes qui passent à la télé,
comme les
Vieilles Charrues,
Le Paleo,
Les Francofolies,
Le Printemps de Bourges,
en 1 300 concerts des Fatals Picards,
ne nous font même pas passer sur la scène moyenne à 14h00, car ils ne nous veulent pas.
Paul : Quand on leur demande pourquoi ils rigolent et nous disent,
soyez sérieux les gars. Mais quand on joue à côté et que la salle est
pleine, là ils disent qu'ils ne savaient pas ! Pourtant ce n'est
pas difficile d'être au courant de nos jours, avec Internet.
Laurent : Voire même de lire les mails que nous envoyons depuis des années.
Paul : Par contre il ne faut pas que l'on soit dégoûté et que l'on
se dise que tout cela est dégueulasse.
Albums.
Paul : C'est notre huitième album studio. On a fait 2 live, un DVD.
On ne vit pas de nos ventes de disques, mais un nouvel album permet
de diversifier le spectacle et d'injecter de nouvelles chansons.
Arrive dans la loge, Yves, bassiste du groupe, qui se joint à nous.
Yves : La tournée, c'est un peu notre vie parallèle. Il y a la vie
à la maison avec la famille, les enfants, et puis celle de la tournée.
Paul : Qui n'est pas la vie la plus reposante.
Jean-Marc : On se voit autant que l'on voit notre famille.
Paul : Même plus.
Yves : C'est super. On voit du pays, on rencontre des personnes formidables,
on rencontre aussi des cons...
Paul : Surtout ! Non je plaisante, on rencontre des gens bien.
Laurent : Personnellement je rencontre plus de cons quand je m'occupe
de mes affaires administratives que quand nous sommes sur la route.
Jean-Marc : Et puis surtout on se fait des petits restos à midi,
comme aujourd'hui le snack de l'autoroute.
Laurent : J'ai mangé une assiette de légumes. Les brocolis avaient
le goût de poisson, les carottes, pour parents une paire de pneus.
Et le mec qui a cuit le riz a réussi à ce qu'un grain sur deux soit dur.
Paul : J'ai acheté un paquet de chips à 4.20 euros. C'est le même que
j'achète au Monoprix près de chez moi à 1.40 euros. En plus avec le visuel
d'une station et l'odeur...Bref...La tournée c'est ce qui nous fait vivre,
et nous sommes un groupe de scène, pour que le public rit et s'amuse.
C'est cool de faire des concerts, même s'il y a beaucoup de kilomètres
à parcourir, la fatigue, les soirées qui n'en finissent pas,
les prostituées...Ah non ça je ne l'ai pas dit !
Jean-Marc : La drogue.
Paul : Le modélisme ferroviaire.
Jean-Marc : Qu'est-ce qu'on va construire ce soir ?